Écrit par Florent MARTIN
31 Décembre 2011

Extrait de la newsletter n°64 de Décembre 2010

 

Difficile de sonder les modes, mais j’ai l’impression très subjective que l’hypnose fait un come back. Alors même que j’écris ces lignes, je vois sur M6 un hypno-thérapeute faire son show dans l’émission Incroyable talent, exactement le numéro que nous démystifions chaque année à la Fête de la science.

On m’en parle souvent en mélangeant allégrement les prétentions thérapeutiques, les concepts psychanalytiques et l’hypnose de spectacle. On m’affirme que l’hypnose peut remplacer une anesthésie lors d’opérations chirurgicales, ignorant qu’en fait l’anesthésie générale est remplacée par une anesthésie locale. On me dit que l’hypnose permet de remonter dans ses souvenirs jusqu’à sa naissance, voire même avant ! Et enfin, on me parle de ces spectacles, souvent donnés dans les écoles, où l’on voit des étudiants faire la poule ou encore supporter, allongé entre deux tréteaux, le poids d’un ami.

J’ai assisté à deux spectacles de ce genre.

Le premier, c’était pendant mes études à Coventry en Angleterre en 1996. Je me souviens avoir été assez bluffé par le show de ce talentueux hypnotiseur canadien. J’étais alors bien incapable d’expliquer comment certains de mes amis avaient pu se retrouver presque nu sur scène à danser le tango avec une chaise. Incroyable ! J’étais persuadé, comme Gérard Miller me l’a dit il y a un mois après son spectacle « Manipulation mode d’emploi », qu’il y avait plein de complices.

Puis, de retour en France, j’ai découvert quelques intéressantes lectures sur l’influence, la manipulation et la soumission librement consentie. J’ai récupéré des vidéos pour les regarder en détails. En 2007, j’ai donc abordé mon deuxième spectacle live dans l’école de commerce de ma sœur avec un regard un peu plus critique… Géraldine Fabre avait alors fait un compte rendu de la soirée dans la newsletter n°21 sous le titre « Soirée hypnose à l’ESC ».

Voici le mode d’emploi que j’en retire.

Préparer le public

Avant de commencer le spectacle, on vous explique que vous être libre de participer ou non (l’affirmation de liberté est la première étape de la manipulation), que c’est fun (et c’est vrai), que ça marche mieux sur les gens intelligents (donc sur vous), et que « c’était le délire quand j’ai fait ce spectacle à [citez le nom d’une école concurrente] ». Puis surtout on vous explique ce qu’il va se passer, afin que le moment venu, vous fassiez bien « spontanément » ce que l’’on attend de vous. Cette procédure perdure tout le long du spectacle. Au compte de trois, vous allez dormir, vous allez oublier un chiffre, vous allez… Et vous n’aurez plus qu’à jouer le jeu.

Sélectionner les bons clients

Une petite expérience préliminaire. Toute la salle se lève, tend les bras en avant, paumes jointes et écoute, attentivement le décompte : « Un ! Vos bras se raidissent, vos muscles se tétanisent. Deux ! Vos mains se collent, vos doigts se serrent de plus en plus… ». À cinq, certains affirment ne plus pouvoir séparer leurs mains. Ils sont alors invités à monter sur scène. Ils ont accepté le contrat, ils sont prêts à jouer le jeu. Ils ont mis le doigt dans l’engrenage.

Leur mettre la main dans l’engrenage

Après cette sélection, les gens restant sur scène ont désormais la main dans l’engrenage. On procède alors à une série de jeux qui demandent une coopération croissante. L’objectif étant de faire monter doucement l’engagement, chaque étape vous rendant implicitement un peu plus complice de l’hypnotiseur. Il devient donc de plus en plus difficile de renier ce que vous avez déjà fait jusqu’ici en quittant la scène sous les regards interrogateurs. Ce qui reviendrait à admettre que jusqu’ici, vous avez simulé.

Malgré tout, il arrive parfois que des participants se sentent coincés ou mal à l’aise dans cette situation. On les voit alors se faire tout petits, ne plus trop coopérer, et finir par quitter la scène discrètement. L’hypnotiseur laissera faire et refocalisera l’attention du public sur ce qui se passe de drôle plutôt que sur le pauvre malheureux qui ne veut plus jouer. D’ailleurs, si celui-ci venait à dénoncer l’imposture, il se verrait très probablement sifflé par le public.

Faire une démonstration extraordinaire de catalepsie

Pour prouver que sous hypnose le corps est capable de réaliser des choses incroyables qui lui sont impossibles normalement, l’hypnotiseur placera un sujet en catalepsie, à l’horizontale entre deux tréteaux, puis une autre personne montera debout sur lui. C’est très spectaculaire. Je pense que bien des hypnotiseurs ne savent même pas (faute d’avoir essayé) qu’il est possible de faire la même chose sans être hypnotisé, comme nous en faisons régulièrement la preuve lors d’interventions publiques (à 8:05).

Valoriser les participants

Les jeux que l’hypnotiseur propose sont toujours plus drôles qu’humiliants. Les participants s’y abandonnent d’autant plus facilement qu’ils sont encouragés par les rires de leurs amis.

Leur fournir une excuse de choix

Ce prétendu état d’hypnose nous donne en fait une excuse idéale pour nous lâcher et faire des choses que nous n’oserions pas faire en temps normal. Par exemple, un hypnotiseur habile ne vous dira pas de vous déshabiller, mais il dira qu’il fait chaud, extrêmement chaud… Et les filles ou les garçons un peu exhibitionnistes qui veulent afficher leurs corps de rêve ne rateront pas l’occasion de le faire, comme lors des soirées étudiantes bien arrosées. Et quand quelqu’un connu pour sa réserve se lâche, alors là, c’est le bouquet. Ses amis lui demanderont après coup :

– mais tu ne te souviens vraiment plus de rien ?
– ben non, j’ai fait quoi ?

 

Florent MARTIN

Spectacle d’hypnose, mode d’emploi