Écrit par Emmanuel RIGUET (Mars 2004)

 


Définition : « sensibilité à des rayonnements qui proviennent des objets » ; « la méthode de détection d’objets, de maladies, par l’intermédiaire d’une baguette ou d’un pendule, fondée sur cette sensibilité » (Larousse 1998).


Les débuts

C’est l’abbé Bouly (1865-1958) qui inventa le terme radiesthésie (le mot, officialisé en 1922, fut accepté en 1930). Malgré l’apparition relativement récente du terme, la pratique qu’il désigne est plus ancienne. L’utilisation de la baguette remonte à plusieurs dizaines de siècles, plusieurs peuples de l’antiquité, notamment les Scythes, les Mèdes, les Grecs et les Romains utilisaient la baguette à des fins divinatoires. Mais ce type de pratique se cantonne au domaine du sacré, aucun récit faisant référence à son utilisation par ces peuples, ne mentionne l’utilisation de la baguette pour découvrir des objets cachés à nos yeux. C’est au XVème siècle que l’on trouve les premiers écrits relatant l’utilisation de la baguette pour la recherche de métaux enfouis ou d’eaux souterraines, cette pratique était alors désignée par le terme rhabdomancie (du grec rhabdos, baguette et mancie, élément du grec manteia, divination). Ces écrits sont essentiellement le fait d’alchimistes allemands, lesquels semblent être les premiers occidentaux à avoir introduit cet usage de la baguette. L’ouvrage Novum Testamentum de Basile Valentin, moine bénédictin et alchimiste, rapporte qu’à cette époque certains ouvriers mineurs portaient la baguette à leur ceinture ou à leur chapeau. Le savant Agricola dans son traité des métaux De Rebus Metallicis donne une description de l’usage de la baguette dans la recherche de métaux et condamne fermement celui-ci. En revanche nombre d’écrivains et philosophes du XVème et XVIème siècle sont convaincus par les vertus de la baguette divinatoire, au premier rang desquels plusieurs disciples du médecin Paracelse comme Andre Libavius qui affirma avoir fondé son opinion (favorable à l’usage de la baguette) sur sa propre expérience.

La saga des Beausoleil

C’est le XVII siècle qui produira les plus grandes célébrités de cette discipline, en premier lieu Martine de Bertereau, astronome et alchimiste française, et son époux Jean de Chatelet, Baron de Beausoleil savant allemand spécialisé en minéralogie. Jean de Chatelet, reconnu comme l’un des meilleurs minéralogistes d’Europe, reçut de divers souverains des commissions importantes pour ces travaux et se vit confier l’exploitation et la direction de plusieurs mines. Il se maria à Martine de Bertereau dix ans après sa venue en France sous l’invitation du contrôleur générale des mines. Les époux Beausoleil sillonnent l’Europe à la découverte de mines. Plusieurs auteurs leur attribuent un rôle important dans la valorisation minière de différents pays d’Europe dont la France. Les époux Beausoleil possédaient une solide connaissance pour l’époque en mécanique, hydrologie et minéralogie mais curieusement ils font plus explicitement référence, dans leurs récits de découverte de ressources minières, à l’utilisation de moyens plus « fantastiques » au premier rang desquels l’utilisation de la baguette. Gobet, éditeur des œuvres minéralogiques des Beausoleil, ne voit pas à ce sujet de contradiction dans cette attitude « Le merveilleux inspire toujours une confiance absolue parmi les ignorants ; des gens fins et très instruits ont profité de cette faiblesse humaine en imaginant la baguette divinatoire pour découvrir des mines, ils ont mieux aimé paraître favorisés par la divinité que d’avouer leurs connaissances particulières…..Cette superstition avait gagné la Baronne de Beausoleil, qui y croyait… Ceux qui trouvent des mines par la baguette doivent être examinés avec attention par des minéralogistes instruits, pendant cette opération, parce qu’ils découvriraient certainement les signes extérieurs qui font tourner à propos la baguette dans la main de ces pauvres sorciers. » (Source, Louis Figuier, Histoire du merveilleux dans les temps modernes, tome 2). En dépit de leurs succès dans la découverte de mines, les époux Beausoleil se virent sévèrement condamnés pour leur mise en avant de pratiques magiques. En 1642, le cardinal de Richelieu donne ordre d’enfermer la baronne de Beausoleil dans la prison d’état de Vincennes, et son mari dans celle de la Bastille.

 

Emploi de la baguette divinatoire dans la recherche d’eau souterraine

C’est sans doute dans les ouvrages des Beausoleil que se trouve la première mention de l’utilisation de la baguette divinatoire pour la recherche d’eau souterraine, notamment dans leur livre Véritable déclaration de la découverte des mines et minières de France. Il apparaît clairement dans ces récits que la Baronne faisait, dans ses recherches d’eau souterraine, un usage judicieux de l’observation et de ses connaissances de terrain. Il est difficile, à travers ces récits, de juger l’importance qu’elle accordait aux autres moyens de recherche qu’elle employait, tels que la baguette divinatoire et autres instruments astrologiques. Cependant, c’est sans doute la baronne de Beausoleil qui, en exhibant cet ustensile dans chacune de ses recherches, popularisa l’usage de la baguette comme outil de recherche en sourcellerie. A partir du milieu du XVIIème siècle, la baguette était utilisée à cet effet dans plusieurs contrées françaises. L’ustensile eut notamment un succès retentissant dans le Dauphiné qui vit naître un grand nombre de sourciers. Cette pratique fut ensuite adoptée dans plusieurs pays d’Europe tels que l’Angleterre, l’Italie, et l’Espagne. Plusieurs auteurs déjà convaincus de l’utilité de la baguette dans la recherche de métaux s’enthousiasmèrent pour cette nouvelle application.

 

Le radiesthésiste Jacques Aymar

A la fin du XVIIème siècle, l’usage de la baguette se limitait essentiellement à la recherche d’eau et de métaux, pratique qui, bien que non dénuée de mystère, était moins emprunte d’ésotérisme et de sacré que les pratiques divinatoires ancestrales. Jacques Aymar, sourcier du Dauphiné, réintroduit une dimension proprement divinatoire à la baguette. Le 5 mars 1692 au soir, un couple de marchands de vin de Lyon est assassiné dans sa cave à l’aide d’une serpe. Le seul indice dont disposaient les enquêteurs pour débuter leur enquête était l’instrument du crime. Un voisin vint alors leur suggérer l’aide d’un riche paysan répondant au nom de Jacques Aymar, habitant la localité de Saint-Marcellin. Jacques Aymar avait alors la réputation de découvrir les voleurs grâce à sa baguette et plusieurs résolutions d’enquêtes dans la région de Grenoble lui étaient attribuées. Après avoir été conduit sur les lieux du crime par le procureur du roi, il parcourut les chemins désignant (à l’aide de sa baguette) le lieu de passage des assassins. Il descendit ainsi le Rhône jusqu’à la ville de Beaucaire où sa baguette s’inclina devant un bossu qui venait d’être arrêté pour un petit larcin. De retour à Lyon, le bossu avoua être l’un des auteurs du crime et fut condamné par trente juges à être rompu vif sur la place des Terreaux. Plusieurs personnes distinguées furent extrêmement troublées par ces événements et accordèrent une foi importante aux exploits du « sourcier-sorcier » bientôt vantés dans un grand nombre de récits. Si le sourcier Dauphinois se forgea une solide réputation de devin dans la ville de Lyon, il fut confondu à plusieurs reprises dans la ville de Paris lors d’enquêtes visant à juger de ses prétendus pouvoirs. Dans l’une de celles-ci, mise en place par des membres de l’académie royale des sciences, l’abbé Gallois, membre de cette académie, montra a Aymar une bourse et lui dit qu’il allait l’enterrer dans le jardin. Il lui proposa ensuite d’en découvrir l’emplacement, après que Aymar ait désigné une position au pied du mur du jardin. Gallois dévoila à l’assemblée et à Jacques Aymar qu’il avait gardé la bourse sur lui. Jacques Aymar subit plusieurs autres échecs dans la recherche d’objets cachés, et désigna à plusieurs reprises comme coupables de vols des personnes dont l’innocence était clairement établie. En outre, plusieurs récits rapportent que Jacques Aymar avait dans son entourage plusieurs personnes que l’on qualifierait aujourd’hui de compères, et qui, une fois qu’elles s’étaient procuré, par des moyens des plus directs, des informations précieuses sur la solution de l’énigme, communiquaient ces informations à Aymar à l’aide de signes afin que la baguette s’incline de façon circonstanciée. Jacques Aymar était sans doute un manipulateur très habile (voire génial) dont les talents auraient pu être grandement appréciés s’il n’avaient pas été employés à des fins aussi douteuses. Quant à l’affaire de Lyon qui inaugura son succès et porta le trouble, y compris dans les têtes les plus instruites, Louis Figuier rapporte quelques éléments permettant de dissiper son caractère surnaturel.
Aymar ayant été introduit dans l’enquête par l’un de ses amis voisin des victimes, il aurait pu lui livrer plusieurs informations sur les individus rodant autour de la maison le soir de l’assassinat, notamment la présence d’un bossu. Jacques Aymar aurait pu, à partir de ce type d’indice, mener un véritable travail d’enquête auquel son entourage n’aurait porté que très peu d’attention, tout obnubilé qu’il était par les mouvements de sa baguette. Louvreleuil rapporte, dans son ouvrage Histoire des troubles des Cévennes et de la guerre des Camisards, la dernière utilisation que Jacques Aymar fit de sa baguette et qui restera sans doute la plus détestable : il l’utilisât afin de discerner les protestants des catholiques pour les livrer aux vengeances du maréchal Montrevel.

 

Un nouvel outil pour les radiesthésistes : le pendule

L’utilisation du pendule en radiesthésie voit le jour à la fin du XVIIème siècle. Comme dans le cas de la baguette, on trouve des mentions de l’utilisation de pendules plus anciennes, mais exclusivement à des fins divinatoires. Le pape Jean XXII, par exemple, condamna en 1326 l’utilisation d’un anneau accroché à un fil pour obtenir des réponses « à la manière du diable ». Le pendule est ensuite mentionné en 1662 par le père jésuite G. Schott dans son traité Physica Curiosa comme étant utilisé pour trouver les heures du jour. En 1678, le père jésuite A. Kircher le cite dans son ouvrage Mondo Subterranea pour la recherche de l’or. Son utilisation se développa ensuite rapidement à des fins de recherche de différents métaux puis de sources. Au début du XIXème, le naturaliste Fortis, puis le chimiste bavarois Ritter, rapportent des expériences effectuées avec un corps quelconque (cube de pyrite, anneau d’or…) accroché à un fil qui, lorsque qu’il est tenu au dessus d’un vase d’eau ou d’une pièce métallique, se met en mouvement. A la même époque, Gerboin, un professeur de la faculté de médecine de Strasbourg qui exécuta le même type d’expérience, publie un ouvrage intitulé Recherches expérimentales sur un nouveau mode d’action électrique dans lequel il décrit les différents modes de réaction du pendule tenu par l’homme en fonction des différents matériaux au dessus desquels il se trouve et voit dans ce phénomène une faculté « organoélectrique » de l’homme.

 

Le phénomène radiesthésie illusion ou réalité ?

Le phénomène mis en jeu dans la radiesthésie, à savoir la détection d’un « objet » (métal, source…) à l’aide d’une baguette ou d’un pendule qui se met en mouvement dans les mains de son manipulateur lors de la présence de celui-ci, semble être facilement testable. En effet, on peut facilement détecter le mouvement de la baguette ou du pendule ainsi que la présence ou non de « l’objet » (dans le cas de la détection d’une source cela peut être difficile, il faut creuser !). Jusqu’à la fin du XVIIIème, très peu d’explications étaient proposées pour expliquer les mouvements de la baguette dans les mains de son manipulateur. Si certaines expérimentations avaient été effectuées, elles ne visaient pas à proprement parler à trouver une explication au phénomène. En outre, lorsque que l’on était convaincu de l’existence du phénomène, les causes invoquées étaient presque toujours d’ordre théologique (acte de dieu ou du diable).

 

Expérience de Eugène Chevreul : Qu’est-ce qui fait tourner le pendule ?

Le chimiste Eugène Chevreul, fut informé, en 1810, au cours d’une discussion avec le magnétiseur Deleuze d’une propriété singulière du pendule mise en évidence par les expériences de Fortis et Ritter. Le pendule tournait toujours dans le même sens autour du mercure et d’autres métaux alors qu’il s’arrêtait subitement lorsqu’il était placé au dessus d’une matière résineuse ou d’une plaque de verre. Chevreul reproduisit l’expérience et constata le phénomène. Mais il s’aperçût très vite ensuite que, lorsqu’il fermait les yeux, le pendule n’avait plus que des mouvements erratiques sans corrélation apparente avec la cible étudiée. Il observa ensuite la réduction progressive de l’amplitude des oscillations du pendule quand il immobilisait successivement, grâce à un support bien stable, son bras et son poignet. Chevreul en conclût que le pendule ne subit aucune action physique directe de la part de la cible, la rotation du pendule trouvant sa source dans les tremblements imperceptibles du bras du manipulateur (aujourd’hui, rares sont les radiesthésistes ne qui vont à l’encontre de cette thèse). Chevreul conclut ensuite que « Finalement, on ne peut détecter par le pendule explorateur que ce que l’on voit ou l’on sait avoir détecté. ». En outre il explique que la cohérence du mouvement du pendule lorsque l’expérience n’est pas effectuée en aveugle peut s’expliquer par ce que l’on appellerait aujourd’hui un effet de suggestion ou d’autosuggestion que Chevreul décrit ainsi : « Il y a donc une liaison intime établie entre l’exécution de certains mouvements et l’acte de la pensée qui y est relative, quoique cette pensée ne soit point encore la volonté qui commande aux organes musculaires. C’est en cela que le phénomène que j’ai décrit me semble de quelque intérêt pour la psychologie, et même pour l’histoire des sciences ; il prouve combien il est facile de prendre des illusions pour des réalités, toutes les fois que nous nous occupons d’un phénomène où nos organes ont quelque part, et cela dans des circonstances qui n’ont pas été analysées suffisamment. » Si les expériences de E. Chevreul ne permettent pas de conclure définitivement en l’inexistence du phénomène radiesthésique, elles montrent cependant clairement qu’aucune conclusion sérieuse ne peut être tirée d’une expérience effectuée selon un protocole qui ne permet pas d’exclure les phénomènes de suggestion. La mise en évidence du rôle de la suggestion dans la pratique de la radiesthésie est donc ancienne : malgré cela, c´est un paramètre qui est encore rarement pris en compte de nos jours dans la pratique de cette activité.

 

Expériences sur la théorie d’Yves Rocard : Une théorie scientifique qui explique le phénomène radiesthésique ?

En mai 1963, la revue de vulgarisation scientifique Science et Vie affichait sur sa couverture un titre qui ne souffrait pas d’ambiguïté : « Oui, la radiesthésie est vraie !». L’article de Ch. G. Maubert auquel la couverture renvoyait rendait compte du livre du physicien Yves Rocard le signal sourcier. Dans ce livre, le célèbre physicien affirmait que la détection de sources grâce à la baguette s’expliquait par une sensibilité des sourciers à des variations locales du champs magnétique terrestre (sensibilité qui selon lui serait présente chez tous les hommes à des degrés divers). L’expérience principale que propose Yves Rocard pour prouver cette allégation consiste a soumettre un individu muni d’une baguette à un champs magnétique (produit par la circulation d’un courant électrique autour d’un cadre). Peu de temps après la publication du livre d’Yves Rocard, certains auteurs émettent des doutes sur la rigueur mise en place lors de ces expériences, le comité PARA (comité belge pour l’investigation scientifique des phénomènes réputés paranormaux) décide alors de refaire les expériences décrites par Yves Rocard mais en prenant les précautions nécessaires afin d’écarter toute possibilité de suggestion ou d’autosuggestion (randomisation des essais, double-aveugle). L’analyse des expériences menées dans ces conditions entre 1964 et 1966 conduit le comité PARA à conclure que le sourcier ne réagit pas à un gradient du champs magnétique. En dépit du fait que Yves Rocard est directement informé de ces résultats négatifs, il ne renonce pas à sa théorie et publie dans le journal La Recherche en 1981 un nouvel article de présentation de celle-ci. Henri Broch dans le numéro suivant de La Recherche lui rappelle l’existence de ces résultats négatifs. La polémique qui s’en suivit ne conduisit pas Yves Rocard à revenir sur ses résultats. Dans ces travaux ultérieurs sur la radiesthésie, Yves Rocard s’intéresse au mouvement du pendule et affirme que de façon similaire à la baguette sa rotation peut être expliquée par une sensibilité du manipulateur à une variation locale du champs magnétique. Il affirme avoir localisé, à l’aide du pendule, des centres récepteurs magnétiques chez l’homme. Dans son dernier livre il décrit plusieurs expériences dans lesquelles le manipulateur du pendule est soumis a un champ magnétique. Plusieurs des résultats décrits sont spectaculaires : ils montrent en effet une corrélation positive entre exposition au champs magnétique et rotation du pendule, mais les précautions minimales pour exclure tout phénomène de suggestion et d’autosuggestion ne semblent pas avoir été prises. Yves Rocard, bien qu’informé sur les phénomènes de suggestion susceptibles de déclencher le mouvement de la baguette et du pendule, semble toutefois ne pas y accorder une grande importance. Ces quelques lignes présentes dans l’introduction de son dernier livre illustrent assez bien ce fait : « J’ai voulu vérifier, vers 1960, si la fameuse baguette de coudrier consentait entre mes mains à recevoir des signaux sur une « zone sourcière ». Les résultats ont été entièrement négatifs pendant un an : baguette inerte sur un pont, sur une pile de pont, sur les flaques d’eau au bord de la route. Cependant, un jour, dans une vallée étroite en montagne (Le Mercantour , au nord de Nice), avec un torrent, une route, une paroi rocheuse verticale d’au moins 200 mètres de haut (schiste ancien), je vois de l’eau qui filtre en bonne quantité le long de la roche pour aller se perdre dans le torrent. Longeant le bas de la roche avec une baguette, je vois celle-ci s’incliner de façon irrésistible malgré ma prise ferme : c’est bien le « signal sourcier », déclenché par moi-même pour la première fois. Cherchant à interpréter l’événement, je me dis que ma baguette a dû fléchir par baisse du tonus des muscles qui la tiennent, petite perturbation physiologique causée par l’environnement ». Si l’on peut affirmer que la théorie de Yves Rocard n’a jamais pu être confortée par des expérimentations rigoureuses, son tort principal reste sans doute celui d’avoir voulu produire une théorie expliquant un phénomène dont la réalité n’est pas établie.

 

L’expérience de Munich : La plus grande expérimentation réalisée avec des sourciers

L’expérience conduite à l’université de Munich entre 1986 et 1988 est sans doute la plus grande expérience de radiesthésie jamais réalisée en terme de nombre de participants et de moyens investis. Les meilleurs sourciers d’Allemagne se sont vus proposer comme expérience la détection d’une quantité d’eau circulant dans un tuyau positionné sous un faux plancher. Dans un premier temps, cinq cent sourciers se présentèrent, approuvèrent le procédé d’expérimentation, et sélectionnèrent quarante-trois d’entre eux pour participer aux épreuves finales. Dans chaque test, un robot portant un tuyau dans lequel une masse d’eau circulait fut positionné aléatoirement sous le plancher. On prit soin de demander à chacun des sourciers d’identifier les zones du plancher où, pour des raisons qui étaient les leurs, il ne pourraient exercer leur art. Les coordonnées correspondantes furent exclues des possibilités de placement du robot par l’ordinateur. [Il est amusant, à ce propos, de noter que l’ensemble des points « inutilisables » indiqués par les sourciers couvraient la quasi-totalité du plancher]. Le sourcier parcourait ensuite la surface afin de donner la position de la masse d’eau déterminée à l’aide de sa baguette, de son pendule ou de tout autre ustensile de son choix. Chaque sourcier effectuait des séries de 5 à 15 essais par session. Après deux ans d’expérimentation et 843 essais effectués, le traitement statistique des résultats obtenus pour ces différents essais montra qu’il n’y avait aucune différence entre la performance des radiesthésistes et une détection effectuée au hasard. Mais les rapporteurs de l’expérience crurent bons de préciser que les séries des 6 meilleurs sourciers donnaient des résultats qui étaient statistiquement significatifs.
Tout le monde cria victoire : les sceptiques, qui mirent en avant l’absence de résultat sur l’ensemble des séries des 43 meilleurs sourciers… et les sourciers qui prétendirent évidemment que sur 43 sourciers, 6 seulement étaient finalement compétents et que la science l’avait montré. Les statisticiens sceptiques montrèrent que cette sélection des résultats positifs était un biais dans l’analyse finale, mais trop tard. Le gouvernement allemand considéra que l’expérience était un échec. Elle aura couté 400.000 deutschmarks au contribuable allemand.

Quelques années plus tard, pourtant, Tom Napier de la « Philadelphia Association for Critical Thinking » (PHACT) mettra tout le monde d’accord et l’on pourra alors considérer que le dossier est définitivement clos. Il reprit les données de l’expérience de Munich et reproduisit l’expérience. Sans budget, ni hangar… ni même sourcier. Il utilisa deux ordinateurs, l’un positionnant un chariot « virtuel » et l’autre indiquant une position au hasard, en respectant les paramètres des tests allemands. Il appliqua au résultat de ses series le même traitement statistique de celui qui avait été utilisé à Munich. Le résultat fut sans surprise : sur l’ensemble des tirages, les sourciers virtuels de Napier obtinrent des résultats légèrement inférieurs (mais sans que cela soit significatif au niveau statistique) aux radiesthésistes allemands. Mais les 6 meilleurs sourciers virtuels eurent un taux de succès largement supérieur.

 

Conclusion

Comme nous l’avons vu, le fait de ne pas prendre en compte un certain nombre de critères méthodologiques lors de l’élaboration d’un protocole expérimental peut amener à conclure en l’existence de phénomènes qui ne sont en fait qu’illusion. C’est en grande partie grâce à l’application de ces critères que la science peut progresser dans la compréhension d’un certain nombre de phénomènes (car l’illusion est rarement féconde). La mise en place d‘une expérience de radiesthésie se doit, si l’on veut pouvoir en tirer des conclusions, de respecter au moins trois principes propres à la démarche scientifique : l’utilisation d’un groupe témoin : qui permet de comparer les résultats à une référence (souvent le résultat du hasard), il permet de relativiser un résultat qui peut paraître à première vue extraordinaire. Effectuer une répartition aléatoire : effectuer un tirage au sort sur toutes les variables n’ayant pas une influence directe sur le phénomène. Inclure une procédure de double aveugle : Ni la personne testée ni celles qui assistent à l’expérience ne doivent connaître le résultat attendu, ceci afin d’éviter tout phénomène de suggestion.

La radiesthésie est encore pratiquée de nos jours, dans le domaine de la sourcellerie mais pas seulement : recherche sur plan de personnes et d’objets disparus, jeux de hasards (loto, kéno, etc), divination, l’imagination des adeptes de la discipline est sans limite. Pourtant, des expériences telles que celle de Munich ont clairement montré que lorsque le sourcier est isolé de toute information environnementale (géologie, végétation, géographie, météo, etc.) il n’est pas capable d’avoir une performance dans la détection d’eau supérieure au hasard.

 

Emmanuel RIGUET

Références :

Généralités sur la radiesthésie :

  • M. Rouzé, La radiesthésie, Hachette, 1978.
  • Louis Figuier, Histoire du merveilleux dans les temps modernes, Tomes 2, p 253 à 412, 1860.
  • H. Broch, Au cœur de l’extra-ordinaire, book-e-book, p 235, 2002.

Livres de Yves Rocard sur la radiesthésie :

  • Le signal Sourcier, Dunod, Paris, 1962.
  • Les Sourciers, Que sais-je ?, PUF, Paris, 1982.
  • Le Pendule Explorateur, ERG, 1983.
  • La Science et Les Sourciers / baguettes, pendules, biomagnétisme, Dunod, 2001.

Polémique Yves Rocard / Henri Broch, Comité « Para » dans le journal La Recherche :

  • Y. Rocard, Le signal du soucier, La Recherche, n° 124, juillet-août 1981, p. 792.
  • H. Broch (avec réponse de Y. Rocard), La Recherche, n° 125, septembre 1981, p. 1030.
  • J. Dommanget président du Comité « Para » belge (avec réponse de Y. Rocard), La Recherche, n° 130, février 1982, p. 1982.
  • Nouvelles Brèves, n° 42, mai 1967.

Expérience de Eugène Chevreul

  • E. Chevreul, Examen d’écrit sur la baguette divinatoire, le pendule explorateur et les tables tournantes, Journal des savants (1853-1854)

Expérience de Munich

  • J. T. Enright, The Failure of the Munich Dowsing Experiments, Skeptical inquirer, janvier 1999
  • T. Napier, Dowsing is as Easy as Pi, Phactum, Avril 1999.

 

Radiesthésie, la perception extrasensorielle grâce au pendule ou à la baguette.